Éducation bienveillante·Communication Non-Violente

Réponse au reportage d’Envoyé Spécial « Burn Out Parental »

Aujourd’hui, j’ai regardé le reportage d’Envoyé Spécial sur le Burn Out Parental.
De prime abord, j’étais ravie que l’on parle de ce sujet et de la parentalité à une heure de grande écoute dans un magazine d’enquête !
Je suis une consommatrice avide des enquêtes d’Elise Lucet. Je les trouve souvent bien menées et aussi franches que caustiques pour ceux mis en cause.

Malheureusement, dès l’introduction, j’ai été étonnée du ton donné de ce reportage : « (…) Dans certaines familles, gérer les enfants est devenu un cauchemar. » Le tout, sur des images d’enfants qui hurlent et de parents qui soulèvent leurs enfants.
Je m’étonne, car je pensais qu’on parlerait du Burn Out Parental, et non… des problèmes que rencontrent les parents dans l’éducation (je préfère d’ailleurs « accompagnement », comme terme) des enfants.
Heureusement, le sous-titre reste « Quand les parents craquent ! ». Tout de même, on écarte les enfants de la responsabilité de l’état de leurs parents.
Mais cela ne dure pas ! Après cela, la question posée est : « Comment se débarrasser de la culpabilité d’être un mauvais parent ? ».
La formulation est pour le moins maladroite : la question n’est pas que de se débarrasser de la culpabilité de nos attitudes, mais de changer lesdites attitudes lorsque c’est nécessaire.
La culpabilité a une fonction : elle œuvre pour que l’on modifie ce qui nous pose problème. Bien évidemment, la culpabilité excessive est néfaste. Mais ressentir de la culpabilité lorsqu’on a eu une attitude qui atteint nos critères moraux n’est pas vain : cela permet de réfléchir sur des alternatives. Les personnes en Burn Out Parental ont souvent une culpabilité excessive qui les conduit à des conduites dont elles ne s’imaginaient pas capables. Alors oui, traitons la culpabilité mais aussi les causes!

Toutes ces maladresses de langage et les perspectives prises dans le reportage sont les raisons pour lesquelles je souhaite opposer une réponse à ce reportage.
Il démontre un triste amalgame : ne pas différencier clairement le ressenti des parents et l’attitude des enfants.
Tout au long de ce reportage, les spectateurs sont amenés à penser que les enfants exposés sont vraiment insupportables avec leurs parents et que c’est pour ça que le.s parent.s sont dans un état d’épuisement.
Or, l’état de Burn Out du parent n’est pas en lien direct avec l’attitude des enfants, mais plutôt avec son propre état d’esprit par rapport aux enfants !
Les enfants ne sont pas insupportables, ce sont les parents qui ne les supportent plus.
La nuance est indispensable.

Je rappelle la définition du Burn Out Parental, prise à l’UCL (Belgique) qui a mené la seule grande étude sur le sujet :
« C’est un syndrome qui touche les parents exposés à un stress parental chronique. Le burnout se manifeste par le sentiment d’épuisement (être épuisé, vidé, que ce soit au niveau émotionnel, cognitif et/ou physique), la distanciation affective avec les enfants (le parent n’a plus l’énergie de s’investir dans sa relation avec ses enfants), la perte d’efficacité et d’épanouissement dans son rôle de parent (il a l’impression d’être un mauvais père ou une mauvaise mère). Le burnout peut avoir des conséquences graves sur le parent (problèmes de santé, addictions), sur le couple (irritabilité, conflits, divorce) et sur la relation parent-enfant (négligence, violence). »

Considérer que le Burn Out Parental est causé par les attitudes des enfants, c’est comme estimer qu’une personne dépressive l’est à cause de ce qu’elle a vécu. Or, rien n’est plus faux.
Il y a des conditions favorisant l’apparition de ces problèmes mais elles ne sont pas les causes. Les conditions préexistantes au déclenchement du BO parental auraient été indispensables à mettre en exergue de façon plus claire.

Tout du long, les familles font état de leur difficultés éducatives avec leurs enfants, et ne se penchent que relativement peu sur leur propre état émotionnel.
Il met aussi en évidence que le Burn Out Parental survient lorsque les parents veulent trop en faire : trop d’activités, d’investissement, de travail. C’est d’ailleurs ce que je constate dans presque tous les discours de parents épuisés : « Je me suis retrouvé.e sur la corde parce que j’en fais trop. Je suis trop perfectionniste dans ce que je veux pour les enfants et c’est pour ça que je suis épuisé.e. ».
S’il y a une part de vrai là-dedans, je pense que l’on méprise une part importante du problème source : le précipice entre les besoins des enfants et le cadre social occidental dans lequel on évolue.

Or, Envoyé Spécial est connu pour remettre sur l’établi les dérives de la société occidentale en termes de gestion financière, de consommation, de rapport à l’écologie… Pourquoi cela n’a-t-il pas été le cas concernant le rapport à la parentalité ?
La parentalité est un sujet qui touche une très large part de la population. Cela concerne tout le monde et pourtant ce n’est pas un sujet : justement parce que tout le monde y fait face.
Pourquoi n’avez-vous soulevé l’absurdité des rôles parentaux dans la société occidentale actuelle ?
Il est logique que les relations puissent être (dis)tendues dans des circonstances où des parents travaillent 5 jours/semaine et où tous les moments sont teintés d’empressement ou de fatigue.
Eh oui, le matin, il faut se dépêcher de se préparer. Quand on se retrouve en fin d’après-midi ou en soirée, tous sont fatigués et les weekends sont occupés entre tâches nécessaires et activités avec les enfants.
Il n’y a que peu de temps pour être présent.e à une relation authentique, ce que cherchent pourtant les enfants !

Au lieu de déplorer ce renfermement de la cellule familiale qui laisse à penser que les parents en détresse sont les seuls à vivre cela, le focus est mis sur les difficultés éducatives. Et cet axe a comme conséquence directe de lancer le spectateur dans des jugements du genre : « Un peu de respect et d’autorité et ça irait ! » ou « Vous avez pensé à élever la voix ou à punir ? »… Et je n’invente, il y a des perles dans les commentaires du reportage sur YouTube.
Le reportage n’engendre pas une identification des spectateurs aux difficultés communes à tous les parents et surtout au 10% touchés par le BO Parental sévère… Mais amène des jugements sur les méthodes éducatives.
Cependant, aucun point n’est fait sur celles-ci.
Il est diffusé sans commentaire que les parents laissent leurs enfants s’endormir après avoir pleuré 2h, font passer les parents pour des « victimes » de la tyrannie de leurs enfants et commente « Aux Pâtes au Beurre, on lui a conseillé de mettre plus de limites à ces enfants ! ». [Petit Aparté pour remercier l’Association Les Pâtes au Beurre d’exister et de proposer le type d’accompagnement.]

J’ai eu envie de m’évanouir (oui, le sujet me touche particulièrement, puisque c’est mon domaine de prédilection le parentage (maternage) et « l’éducation bienveillante ») : Comment laisser penser aux spectateurs, qu’en effet, un cadre et des limites feraient le job pour que les enfants se tiennent mieux et soient assez dociles pour que les parents soient moins sur les nerfs ?
Cela n’a aucun sens !

Le Burn Out parental ne se soigne pas en ayant des enfants plus calmes, ils se traitent en prenant soin de soi !
Comme évoqué dans le reportage, les groupes de parole sont incontestablement utiles. De plus, il est également indispensables que les parents atteints de difficultés avec leurs enfants puissent se retourner vers leur propre histoire, la gestion de leurs émotions, leur propre vécu d’enfant…
Parce que cela a été démontré à de nombreuse reprise et Isabelle Fliozat a écrit un livre aussi édifiant qu’utile à ce sujet « Il n’y a pas de parent parfait » : les réactions que les parents ont à chaud envers leurs enfants sont des répétitions automatiques de vécu infantile.
Dans les situations émotionnellement envahissantes, il n’y a que peu de place pour la réflexion et les réactions sont automatiques.

Dans le cas où ces réactions automatiques sont des cris, des punitions, des coups et autres joyeusetés de ce type, les enfants vont, eux aussi, réagir !
Et au fur et à mesure, les attitudes de ces derniers vont être de plus en plus virulentes, en regard de ce à quoi ils sont exposés.

Mais pour agir et comprendre le fonctionnement de cela, il est nécessaire de prendre le temps de se pencher sur le développement des enfants et sur leurs besoins.
Dans ce reportage, nulle mention n’est faite sur la manière d’entrer en empathie avec les enfants pour écouter ce qu’ils ont à dire.
La perspective est qu’ils doivent obéir sans mot dire, et que cela n’est pas le cas, faute de cadre de la part des parents (voici un article qui aborde justement cette notion des limites éducatives).
J’invite sincèrement ceux qui estiment cela juste de s’informer sur l’éducation bienveillante/positive/créative (ou encore, ce que j’appelle « l’accompagnement bienveillant »).

Oui, cela demande de changer d’angle.
Il faut sortir des croyances que l’enfant est un tyran, qu’il doit être dominé et obéir, qu’il doit se tenir « bien » et pouvoir être sage.
Cette vision de l’éducation est héritée d’une époque obsolète où les connaissances sur le développement de l’enfant étaient moindres.
La société avait besoin de bras, de main d’œuvre et de soldats. Les femmes étaient au foyer, le patriarcat était tel que les femmes devaient obéir à leurs époux, tout comme les enfants. En l’absence d’informations contraires, on usait de méthodes coercitives qui corrigeaient les enfants (comme si les enfants étaient à mettre sur le droit chemin).

Mais voilà, maintenant, on le sait et d’ailleurs une loi a enfin été adoptée en France, les Violences Educatives Ordinaires, en plus d’être inefficace d’un point de vue éducatif sont délétères à long terme pour la construction des individus. Voici d’ailleurs un article « Les punitions : pourquoi sont-elles toxiques même si elles ont l’air efficace ? ».

A notre époque, nous évoluons dans une société où les connaissances ont mis en exergue que les enfants se développement grâce aux liens avec leurs parents. C’est la raison pour laquelle ils sont constamment en recherche de ce lien, qu’ils paniquent lorsqu’ils sentent une distance se créer qu’elle soit physique ou émotionnelle.
C’est aussi la raison pour laquelle des enfants séparés de leurs parents tout la journée vont faire un ramdam pas possible jusqu’à pas d’heure… Pour être avec ceux qui leur ont tant manqué !
C’est pour ça qu’ils mettent en place des attitudes qui peuvent sembler incompréhensibles, alors qu’elles n’ont qu’un seul but caché : s’assurer que le lien est là, peu importe sa forme !

Alors forcément, quand ils sentent que les parents se distancient, s’éloignent, les évitent… Ils se raccrochent à tout ce qu’ils peuvent pour avoir leur amour.
L’amour, c’est un carburant !
Ce n’est pas le cadeau à donner quand tout va bien, c’est ce qu’il est nécessaire d’offrir pour que cela se passe harmonieusement.

Or, aimer des enfants, c’est aussi vouloir les comprendre.
Les enfants agissent en réaction à leurs besoins. C’est ainsi.
Leur gestion émotionnelle ne commencera à être efficace que vers 5 ou 6 ans, dans le cas où ils auraient été accompagnés de façon bienveillante là-dedans.
On s’attend que des enfants gèrent leurs émotions, on leur demande de se taire, de ne pas pleurer alors qu’il y a tant d’adultes eux-mêmes ne sont pas en mesure de gérer leurs propres émotions autrement qu’en les masquant ou en explosant !
Il y a plein de manière d’accompagner des enfants en colère, qui vivent de la frustration, qui n’acceptent pas le refus et s’opposent.
La connaissance du développement infantile permet de conscientiser que certaines attitudes ne sont pas à « corriger », mais juste à accompagner car il s’agit de la maturation d’un enfant.
Les neurosciences affectives sont claires là-dessus : l’empathie, le parentage/maternage proximal et la bienveillance sont les éléments-clés pour accompagner un enfant de manière optimale. Chaque lien donne accès à des articles détaillant ces notions.

Alors pourquoi, Chère Rédac’ d’Envoyé Spécial, avez-vous traité ce thème comme un épisode de « Super Nanny », en laissant aux spectateurs que de la méprise et du jugement envers ses parents, laissant juste apercevoir que le BO parental arrive fréquemment et qu’on peut se faire aider ensuite?
Pourquoi ne pas avoir clos le sujet en abordant les attitudes parentales qui peuvent prévenir l’apparition ou la rechute de cette problématique ?
La teinte du reportage aurait été tout autre si vous aviez pu donner aux spectateurs une ébauche de manière alternative de fonctionner avec les enfants. Des « méthodes » qui permettent d’épanouir tant les enfants… que les parents !

Oui, la parentalité bienveillante est une autre perspective de la parentalité occidentale telle que nous la connaissons… Parce que cette dernière ne colle plus, ne correspond plus aux individus que nous sommes et à la société dans laquelle nous évoluons. Nous souhaitons nous épanouir et que nos enfants soient heureux. Nous souhaitons être libres et que nos enfants puissent être des citoyens qui le soient également.
Dans la recherche de cet épanouissement respectif, il y a des voies trop peu connues et pourtant validées scientifiquement.
La parentalité bienveillante amène les parents à comprendre les enfants mais aussi à se comprendre eux-mêmes, afin de pouvoir être les parents qu’ils voulaient être.
La perspective bienveillante de l’enfance permet aussi de sortir de l’adultisme (« l’adultisme expliquée aux adultes » et de pouvoir entrer dans un autre mode de relation, dénué d’enjeux de pouvoir. Il ne faut pas oublier que pour qu’il y a une lutte de pouvoir, il faut qu’il y ait deux joueurs. Or, il est possible de sortir de ce schéma en agissant autrement.

Je vous en conjure, Rédac’ d’Envoyé Spécial, offrez-vous la possibilité d’aborder à nouveau la parentalité sous un autre angle !
Dans ce reportage, vous avez laissé penser que des pratiques incluant des Violences Educatives Ordinaires (VEO) n’appellent à aucun commentaire et que cela pouvait s’améliorer en renforçant le « cadre » (sans que vous ne le définissiez).
Il y a deux papesses de la bienveillance en France : Catherine Guenguen et Isabelle Filiozat, dont les ouvrages ont permis et permettent encore d’ouvrir la voie vers une harmonie familiale dans de nombreux foyers.
Si je peux vous souffler une idée, faites un reportage sur l’après-passage de loi contre les VEO et sur les pratiques alternatives de la parentalité comme la parentage/maternage proximal (je serai volontiers votre interlocutrice) et l’accompagnement bienveillant des enfants.
Avec votre visibilité et votre audience, vous offririez à une large partie de la population d’avoir des connaissances et des ressources concrètes pour sortir des impasses engendrées par des croyances obsolètes sur la parentalité et l’enfance.

A bon entendeur…

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P.S.: A celles et ceux qui s’intéresse au sujet du Burn Out Parental, voici un ouvrage à acquérir:

Le-burn-out-parental-l-eviter-et-s-en-sortir

10 commentaires sur “Réponse au reportage d’Envoyé Spécial « Burn Out Parental »

  1. J ai également été assez surprise de l’approche de cette enquête pourtant habituellement je suis fan… j’allais rédiger un article dessus mais finalement tu as déjà tout mis 😀

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    1. Je t’invite à le partager ! Je me dis qu’il faut vraiment rendre saillantes les aberrations contenues dans ce reportage.
      Mais aussi offrir aux parents la perspectives d’alternatives à l’éducation traditionnelle.

      J’espère être entendue!

      Merci de ton commentaire. Je souffre parfois du manque de retour. 😊

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      1. J’ai l’impression que cette sensation est le lieu commun des petits blogs… il faut des milliers de lecteurs pour qu’une infime partie démontre franchement son intérêt par un acte.

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  2. Bonjour
    Je suis maman de deux enfants de 3,5 ans et 8 mois, que j’allaite sans écourter, avec qui je dors et que je porte tout le temps, donc a priori je défends le maternage proximal 🙂
    Professionnellement je suis également bien informée sur l’attachement Et le développement physique et psychologique. Je suis pourtant sceptique face à la mode de « parentalité bienveillante », voire abasourdie de voir certaines amies dans leurs comportements face à leurs enfants. Je reste absolument sûre que oui, les enfants ont besoin d’un cadre, et qu’ils attendent de leurs parents l’enseignement des règles et interdits qui leur permettront de survivre dans leur environnement. Ce n’est pas nouveau, ce n’est même pas humain. Ma chatte donnait une tape sur le nez de ses chatons quand ils dépassaient une borne.
    C’est devenu mal vu de faire preuve d’autorité et que c’est systématiquement amalgamé avec l’autoritarisme. Du coup, « viens mettre ton gilet, le vent s’est levé et tu es déjà enrhumée. »- enfant ignorant totalement sa mère -«je t’ai demandé de venir mettre ton gilet » -enfant ignorant totalement sa mère -« tu vas prendre froid, tu aimerais prendre froid? »-enfant courant pour échapper à sa mère, la regardant de loin pour voir ce qu’elle va faire-« c’est bientôt les vacances, si tu es malade tu ne pourras pas faire les activités »-enfant n’en ayant strictement rien à taper, continuant d’ignorer ou de fuir-« et bien tu vas être malade, tant pis pour toi ». Cette personne a l’impression d’être bienveillante parce qu’elle n’a pas élevé la voix, n’a pas utilisé de méchantes pratiques coercitives ou violentes comme les barbares comme moi qui a appelé ma fille une fois, à la deuxième fois qui a élevé la voix juste ce qu’il faut pour qu’elle sache qu’il faut vraiment qu’elle vienne, qui lui a mis son pull même si elle n’est pas d’accord en expliquant le vent et le risque d’attraper froid. Et qui pense pourtant être la plus bienveillante des deux.
    Je suis d’accord avec vous sur beaucoup de choses je pense, mais l’extrême autoproclamée bienveillance est pour moi aussi dangereuse, ridicule et néfaste que tous les extrêmes, et s’apparente à de la maltraitance. Il faut donc faire attention en en parlant à vraiment bien informer et définir et expliquer, et pas juste répandre l’idée que soit t’es un parent malveillant parce que tu mets des bornes, soit t’es un parent bienveillant parce que tu cries jamais.
    Il y a beaucoup de nuances et de précisions à apporter mais e suis fatiguée donc j’arrête là, en vous invitant à me répondre si vous voulez par mail. Je suis ravie d’élargir mes pensées et d’échanger avec des gens différents !
    Émeline

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    1. Bonjour Em!
      Je suis ravie de vous compter parmi les lectrices de mon article. 🙂
      Je présume, par vos commentaires, que vous n’avez pas forcément pris le temps de lire les articles référencés dans les permaliens de l’article: tous ceux-ci se réfèrent à des articles détaillant largement chaque thème (l’opposition, la frustration, la colère, …) et les façon d’y faire face.
      Je vais prendre le temps de répondre point par point car cela me semble primordial.

      Tout d’abord, vous mentionnez le besoin de cadre, de règles et de limites. J’ai écrit sur le sujet: « Raisons et usages des « limites » éducatives : self-help aux parents ! ».
      En effet, nous avons, comme individu social, besoin de règles pour vivre ensemble. Les interdits n’ont pas de sens avant un certain âge: les enfants ne sont pas en mesure d’inhiber leur impulsion à l’action. Jusqu’à 24 mois, il est préférable de mettre à distance ou de sécuriser l’environnement de manière à ne pas policer indéfiniment.
      Vous faites la comparaison avec les chatons et les « coups sur le nez ». Il s’avère que l’humain se distingue des autres animaux par l’ampleur de son cortex préfrontal qui régule les émotions et les attitudes sociales, entre autres! Pour qu’il se développe au mieux, il est préférable de s’ancrer dans des attitudes bienveillantes et empathique.
      Il est possible de dresser les enfants par la peur (via les coups, les menaces), mais ce n’est pas le modèle de la parentalité bienveillante. Or, si ce type éducatif était si efficace, il y a belle lurette que la société ne compterait plus de délinquants.

      Vous distinguez autorité et autoritarisme. Je vous fais part des définitions de ces deux termes:
      Autorité:
      Pouvoir de décider ou de commander, d’imposer ses volontés à autrui
      Autoritarisme: Conception ou pratique autoritaire du pouvoir. (L’autoritarisme se traduit notamment par la primauté de l’exécutif et la restriction des libertés politiques.

      Les deux sont intrinsèquement liés. L’autorité laisse à penser qu’il est nécessaire d’imposer des attitudes aux enfants. Or, en effet, ce n’est pas l’objectif de la parentalité bienveillante. L’objectif est d’accompagner les enfants dans leurs explorations. Le tout est de préserver leur sécurité.
      Vous évoquez l’exemple de votre amie qui souhaite mettre un gilet à son fils afin qu’il n’attrape pas froid.
      Il y a deux éléments distincts.
      D’une part, la croyance que c’est le froid qui rend malade. Il s’agit purement et simplement d’un mythe: https://www.youtube.com/watch?v=4bM4I1_B7E4
      Ensuite, votre amie souhaitait lui mettre un gilet car il craignait qu’il ait froid. Or, un enfant ne va pas se laisser dépérir. Il est en mouvement, à l’inverse de la plupart des adultes. Il était fort probable qu’il n’avait pas froid à ce moment-là. Alors pourquoi mettre un gilet ?
      Il est nécessaire de remettre en question les demandes et les bases de ce qui nous font agir… et de comprendre que le ressenti d’un enfant peut être différent de celui des adultes.
      Si le problème est que son enfant n’écoute pas… C’est l’ensemble de la relation qui est à revoir et de l’attitude envers les enfants. Il y a des manières
      de s’adresser aux parents de manière à ce qu’ils se sentent investis et non contraints.

      Cela dit, je vous rejoins: il ne suffit pas de ne pas crier pour être bienveillant. Mais le laxisme n’est pas là où on peut le croire. Le manque de sollicitude et d’environnement sain/serein/constant est délétère pour les enfants.
      Un parent qui ne donnerait que des sucreries, laisseraient son enfant des heures avec des écrans, etc… juste pour ne pas avoir à gérer une « crise » n’est pas bienveillant… Mais il est probablement en souffrance face à sa relation aux enfants!
      Mais comme je l’explique plus haut, je ne vous estime pas spécialement bienveillante d’avoir forcée votre fille de porter un pull dont elle ne voulait pas. Il y a fort à parier qu’une fois ses jeux finis, elle obtempère sans protester… de même que vous auriez pu aller la rejoindre puis lui proposer son pull au lieu de la héler.

      Je vous invite à lire plusieurs de mes articles sur l’adultisme mais peut-être aussi sur des thèmes précis, pour que vous ayez une perception plus claire de ce qu’est la parentalité bienveillante. L’objectif n’est pas de ne rien faire face à un enfant ou d’éviter à tout prix ses frustrations: l’objectif est de le comprendre et d’éviter les sources de frustration inutiles (par exemple, laisser des chocolats en vue alors qu’on lui refuse d’en manger). Voici un index détaillé des articles concernant l’accompagnement bienveillant des enfants: https://curiositebienveillante.wordpress.com/2018/12/27/laccompagnement-education-bienveillante-sous-le-feu-des-projecteurs/

      Au plaisir de vous lire à nouveau et j’espère que vous y verrez plus clair. 🙂

      Bonne soirée!

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  3. Ta façon d’écrire est dense et fournie, il y a énormément à digérer, mais merci, c’est rare un pro qui est aussi chercheur et met ses résultats à disposition. Je retiens ceci : « le précipice entre les besoins des enfants et le cadre social occidental dans lequel on évolue. » Je suis déchirée entre un nouveau travail et le maternage proximal que j’ai adopté instinctivement. C’est assez terrible de ne pas pouvoir aller bosser avec son bébé (évidemment le travail de bureau, y a plus stimulant pour un gosse ! Et puis, ne serait-ce pas répondre à mon besoin d’être avec mon bébé plutôt qu’au sien?). Pour répondre à la question de l’article, je n’ai jamais associé l’éducation bienveillante (que je ne connais que peu) à du laxisme. Peut-être qu’on fait cette critique pour masquer la vraie raison, qui me semble être la suivante : d’une part, c’est TRÈS exigeant (et l’être humain n’est pas naturellement porté sur l’effort, il faut une motivation très forte), cela demande une attention constante à soi et une créativité sans bornes puisqu’en général on n’a pas été éduqué ainsi, donc on ne peut même pas se « reposer » sur des automatismes même partiels. Et d’autre part, plein de personnes sont impliquées, donc il faut faire un effort d’éducation des adultes en plus de l’enfant : le conjoint (s’il n’est pas OK, bonjour les frictions), la famille et ceux qui s’occupent de l’enfant. Tout cela est réellement nécessaire mais je ne sais pas perso comment je vais faire car je n’ai pas la créativité pour imaginer autrement. Dans l’exemple du pull quand il fait froid, je sens bien que je n’ai pas envie de faire comme Em, (ni comme l’amie, ça met des plombes), mais je n’arrive pas à imaginer une autre alternative. Je lis ce que tu proposes, ça semble logique mais je n’y aurais pas pensé…

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