Éducation bienveillante·Communication Non-Violente

« C’est à moi! » : bousculades, cris et émois. La possessivité, comment l’aider ?

 

Vis-tu aussi avec cet.te enfant qui arrache des mains un jouet ? Ou ce bambin qui pleure à chaude larme car un autre est en train d’utiliser ce sur quoi il lorgnait ?
Tu entends les cris, la frustrations et … l’expression de la possessivité, du moins, le crois-tu.

Mais est-ce réellement de la possessivité au sens où les adultes l’entendent généralement ?

La possessivité matérielle dans l’enfance est-elle de l’égoïsme ou de l’égocentrisme ?
Assurément, non !
Tout simplement parce que les enfants en bas âge ne sont pas en mesure de faire la distinction entre la possession d’un objet et l’envie de jouer avec !
Non seulement ils n’ont pas encore les capacités langagières mais, en plus de cela, ils ressentent de manière similaire l’otage d’un jouet qui leur appartient et d’un jeu sur lequel ils étaient affairés. Les réactions sont d’autant plus fortes lorsqu’il s’agit d’un objet spécifique comme le doudou ou des affaires des parents.
Première étape : arrêter de croire que ton/tes enfants sont des égoïstes/possessifs maladifs.
Ce sont des enfants qui découvrent le monde et… aussi les règles de vie en collectivité.
Ne dit-on pas, « l’enfer, c’est les autres ? ». Ok, j’abuse un peu… Parce que sans interaction sociale, les enfants n’iraient pas loin….
Cependant, il suffit de voir deux enfants en bas âge dans un même espace de jeu.
Souvent, livrés à eux-mêmes et sans médiateur/trice, les cris et les pleurs de frustration retentissent rapidement. Machin a osé toucher la peluche d’Untel, pendant que ce dernier essayait de grimper sur le camion en bousculant Truc.
Bref, c’est la foire… Car ils ont du mal à gérer leurs émotions, ils ont envie d’explorer et de prendre du plaisir ! Ils ont la croyance que l’autre peut leur retirer ce qui leur procure du bonheur…
Et soyons honnêtes : qui aurait envie qu’un individu vienne s’emparer de son smartphone/ses crayons/son jeu de carte sans crier gare ni préambule ?
Et même avec une demande en bonne et due forme, aurais-tu envie de cesser immédiatement ton jeu pour le donner à autrui ?

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Alors, d’entrée de jeu (ah ah !), il faut baisser ses attentes.
Avant 4, voire 5 ou 6 ans, il est illusoire de s’attendre à ce que les enfants comprennent spontanément le mot « partage ».
Et forcer la chose en les grondant, minimisant leurs émotions de tristesse/frustration ou encore en leur arrachant un jouet des mains ne les aidera pas à partager. Au contraire, ils se sentiront culpabilisés et blessés dans une situation d’échange social. Ils pourraient commencer à fuir les autres enfants à cause des mauvaises expériences ou à devenir agressifs afin d’obtenir ce qu’ils veulent. Il y a mieux comme rapport aux autres…

Avant deux ans, ils jouent en parallèle les uns aux autres. Ils ne jouent pas ensemble, ils s’imitent sans interagir réellement (la plupart du temps).
Dès cet âge-là, il est possible d’introduire les notions de partage avec la nourriture. L’exemplarité est alors un maître-mot : à toi de partager ton bout d’aliment avec ton enfant (ok, je sais que tu le fais déjà, puisque c’est le principe même de la DME dont je parle dans cet article) mais aussi avec d’autres personnes. Mais cette fois, il sera profitable de le faire en verbalisant la notion de partage.

Aux alentours de deux ans, la notion de « prêt » est encore difficile. L’échange d’un jouet contre un autre est plus simple car ils obtiennent quelque chose en échange.

Au fur et à mesure, il sera possible de mettre en place des stratégies pour aider les enfants à patienter et comprendre qu’un objet peut-être utilisé par diverses personnes.
Par exemple, il est possible de leur démontrer qu’un accessoire prêté leur sera rendu après une durée particulière via l’utilisation d’un chronomètre. En commençant par des durées très courtes, entre ton enfant et toi, il comprendra que la sonnerie « dicte » le temps d’usage de l’un et de l’autre. C’est un modèle ludique avec plusieurs enfants en bas âge.

Vers 3 ans, la verbalisation s’améliore notablement ce qui facilite les opportunités d’exprimer ses désirs, l’envie de jouer avec d’autres enfants et de répartir les objets aux uns et aux autres. C’est ainsi que s’affine les compétences sociales ainsi que les notions d’égalité et d’équité.

4 ans sonne l’arrivée des réelles compétences de partage, de don et de plaisir d’offrir. Si l’entourage a sensibilisé les enfants à l’expression et la reconnaissance des émotions, ils seront en mesure de s’exprimer avec leurs pairs. Cela leur permettra de développer des liens sociaux plus apaisés.

Après 5 ans, les enfants acquièrent la capacité de se mettre à la place d’autrui. Ils peuvent alors transposer leurs propres ressentis à ceux des autres. Ils pourront alors comprendre pourquoi un objet est particulièrement précieux, entendre des explications… Bien qu’il soit encore fréquent qu’un référent doive intervenir afin de les aider à mettre au clair certains conflits.

Il est nécessaire de retenir cette phrase : « Obliger les enfants à partager ne fait que les pousser à s’accrocher encore plus à leurs affaires. Le partage forcé sape toute tendance à donner de bon coeur. » Faber et Mazlish

Cela coule de source, enfants comme adultes, la contrainte n’engendre jamais de satisfaction.

Donc forcer à prêter ou mépriser le refus du prêt n’amènera à aucune conséquence positive.

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– le partage s’apprend par l’exemplarité et l’expérience

Comme expliqué plus haut, il est nécessaire que les enfants aient les capacités cognitives nécessaires pour appréhender la notion de partage et de ses avantages.

Parce qu’il faut bien admettre : prêter ses affaires n’est pas couronner de joie à chaque expérience. Mais c’est une attitude utile au niveau des compétences sociales. Nous la pratiquons afin de créer et conserver des relations agréables.
Cependant, qui n’a pas été déconfit devant l’état d’un objet ou d’un livre prêté ? Qui a décidé de ne jamais prêter certains biens ?

Le partage est une notion utile… Mais elle comporte des risques en termes d’usage et de possession. Il semble que les enfants en bas âge comprennent éminemment bien ces risques !
Qui n’a jamais craint de l’état dans lequel sera rendu un objet prêté ?
Et qui n’a jamais expérimenté un prêt devenu définitif ?

Ce sont ces risques-là qui peuvent empêcher tant les adultes que les enfants d’avoir envie de prêter ou partager leurs affaires.

 

– Possession ou utilisation ?

Un autre élément indispensable à mettre en œuvre au quotidien : l’usage des mots.
Il est fréquent que nous disions « Oui, c’est ta tasse ! » ou « peux-tu me donner mon verre? » etc. Il serait plus exact de dire « le verre/l’assiette/… que j’ai utilisé ».

La plupart des objets du quotidien sont communs. Il peut être intéressant, dans les périodes « sensibles » de préciser cette distinction.

Il est aussi envisageable de mettre en place des activités rendant indispensables la collaboration au niveau moteur : « Tiens, portons cela ensemble ! », par exemple.

Dans tous les cas, il est indispensable de verbaliser et de mettre en évidence les compétences des enfants ainsi que la joie prodiguée à autrui lorsqu’il utilise un nouvel accessoire.
Il est aussi utile de verbaliser les émotions ressenties et d’expliquer qu’il sera possible de manipuler prochainement l’objet de son désir, après que l’usage par un autre enfant s’achèvera.

 

– Apprendre le partage ?

Comme évoqué ci-dessus, il est surtout nécessaire d’attendre que les enfants soient prêts en terme de développement à comprendre réellement le sens du partage.

Il est néanmoins possible de parler de ce concept et de marquer les avantages de cela.

Alors oui, le partage, tout comme les autres compétences pro-sociales, s’apprennent… par l’exemplarité et les fabuleux neurones miroirs. Des jeux collaboratifs sont de belles options afin de changer une dynamique de compétition/possession vers une ambiance participative.

Il est pourtant indispensable de ne pas forcer le partage ou d’initier une gronderie face à un enfant qui adopte des comportements possessifs.
La meilleure solution est d’alors d’orienter l’enfant tiers vers un autre intérêt et de verbaliser auprès de l’enfant « possessif » ce qu’il ressent et les options/bénéfices en vue du prêt.
Mais il faut être capable d’accepter son refus, sans le critiquer. L’idéal est d’alors d’aller trouver l’enfant tiers afin de s’excuser et de solliciter sa compréhension face à l’attitude de l’enfant qui ne souhaite pas prêter.

Expliciter tout haut les notions de désir, de plaisir, de joie et d’emprunt finiront par ancrer les compétences pro-sociales aidant au partage.

 

– les enfants uniques : une problématique ?

Il est fréquent qu’un adage sur les enfants uniques émergent : ils seraient égoïstes ou narcissiques !

Ils n’ont pas dû prêter leurs jeux ni leurs parents, il est alors cru que cela conditionne leurs dispositions pro-sociales.

C’est oublié que les enfants qu’ils soient en fratrie ou uniques sont des êtres au cœur d’un système social. Ils n’en sont pas exclus… Et pour peu que ces enfants soient particulièrement friands d’interactions sociales, ils vont apprendre les codes associés.
La sociabilisation passe d’abord par la famille.

L’absence d’autres enfants ne conditionnent pas la personnalité des enfants. Une récente étude le démontre même :

Cependant, il est possible qu’en étant seul enfant et gardé par un des parents ou la famille, il y ait une moindre expérimentation des contraintes inhérentes à la vie avec d’autres enfants du même âge.
Indubitablement, dans cette configuration familiales, les parents ne passeront pas du temps à modérer les relations fraternelles. Or, les disputes s’orientent régulièrement sur les centres d’intérêt, l’usage d’un objet ou une place précise …

Les enfants uniques, comme les autres, découvriront pourtant que certains objets sont utilisés et appartiennent à des personnes déterminée.
Ils seront susceptibles d’exprimer leur mécontentement ainsi que leurs envies lorsqu’ils observent un autre individu manipuler certains objets.
Ils apprennent juste les règles du jeu social.
A nous, parents, de savoir accepter où se trouvent les limites de nos enfants et de leur reconnaître le droit de pas prêter les affaires trop chères à leur cœur. Chaque chose en son temps… et faisons fi des regards réprobateurs extérieurs !

 

– La fratrie à l’épreuve du quotidien

Au sein des fratries, le partage est une notion intrinsèque à la parentalité.
Les enfants partagent leur parent. Forcément, les enfants uniques auront toute l’attention. Lorsqu’un nouvel enfant paraît, l’attention se focalise (du moins, se scinde) vers ce petit être.
D’une part, les nouveaux-nés demandent des soins et une présence intense qui peuvent frustrer l’aîné. D’autre part, ce(s) dernier(s) doive(nt) parfois changer d’environnement : nouvelle voiture, nouvelle chambre, voir leurs affaires de bébé transmises à un autre, …
C’est un réel bouleversement pour les « grands », qui ne le sont pas toujours. Par exemple, lorsque les enfants ont un écart de 15, 18 ou 24 mois à peine.
A ces âges-là, il n’y a pas trop d’un voire deux parents pour s’occuper d’un seul enfant. Alors si un second survient, les difficultés quotidiennes sont exponentielles.

Il y a un équilibre à trouver dans la répartition du temps à accorder à chaque enfant et au rituel de transmission des objets d’un enfant à un autre.
Il peut être intéressant d’intégrer l’aîné au choix des affaires qu’il veut donner au plus petit. Il faudrait aussi que les parents acceptent les refus.
Oui, il peut vivre des régressions à plusieurs niveaux : continence, alimentaire, type de jeux, besoin de contact, etc.
Je t’invite à percevoir ça comme une stratégie pour s’assurer que toi, parent, sera toujours là pour elle/lui. Ne lui refuse pas de faire quelques pas en arrière et gratifie le/la de toute ta tendresse. Tu peux également verbaliser ses ressentis en reconnaissant combien cela peut être difficile à vivre.

Ensuite, dans la vie quotidienne, il peut être nécessaire de trouver des astuces et d’apprendre à aux aîné.e.s de protéger les affaires qu’ils/elles affectionnent particulièrement.
Lorsque les enfants sont en âge de jouer ensemble dans un objectif commun (ce qui n’est pas aussi tôt que la plupart des enfants le rêverait quand leur est vendue l’idée « d’un petit frère/petite soeur pour jouer »), il est commode de s’orienter vers des tâches collaboratives et des jeux excluant le principe de compétition.

 

– Le cas des jumeaux

Il est possible de s’en douter, avoir deux enfants du même âge, c’est sportif à plusieurs niveaux : gestion émotionnelle, intérêts (aussi similaires que différents), stade de développement, …
L’organisation quotidienne demande de vraies ressources… Et sur le sujet, voici un article qui en regorge : https://jumeauxandco.com/astuces-jumeaux/comment-apprendre-aux-jumeaux-a-partager/

En voici un extrait : « Vous avez sans doute des objets qui vous tiennent à cœur et que vous ne voudriez pas prêter à quelqu’un, alors ne vous attendez pas à ce que vos jumeaux partagent leurs objets préférés respectifs. Cela est tout à fait normal, s’il y a un jouet ou un livre, entre autres, que l’un ou l’autre de vos deux enfants aime particulièrement, ne l’obligez pas à le partager. Cependant, faites-lui comprendre qu’il doit ranger son jouet ou son livre, et ne pas le sortir en présence de l’autre s’il ne veut pas le partager.

En général, ces méthodes encouragent les jumeaux à partager. Mais n’oublions pas que les enfants restent des enfants, donc ils se disputent, et parfois ils ne veulent tout simplement pas partager. A vous de travailler constamment à créer un environnement familial toujours propice au partage. »

 

– Aider ton enfant à entrer dans une dynamique de partage ?

Voici des conseils fort bien fourni par cet article dont j’effectue un copié/collé :

« Voici plusieurs conseils qui vous permettront d’apprendre à votre enfant à partager :

  • Prévoyez assez d’espace pour qu’il puisse jouer à côté d’un autre enfant tout en ayant de la place pour ses propres jouets et pour ses activités.
  • Dès que votre enfant sait parler, donnez-lui des exemples de phrases pour l’aider à entrer en contact avec les autres : « Veux-tu jouer avec moi? », « Peux-tu me prêter ton ballon? », « C’est à moi », « C’est à toi », etc.
  • Encouragez votre enfant à se mettre à la place des autres en lui parlant de ses propres sentiments et de ceux que les autres ressentent. Par exemple, dites-lui « tu aimes jouer avec ta poupée, tu es heureux » ou « ton ami n’a pas de jouet, il pleure, il a de la peine ».
  • Félicitez votre enfant quand il est capable de partager et de jouer à tour de rôle avec un autre enfant. Décrivez-lui les sentiments de son ami : « Regarde ton ami, il sourit ! Il est vraiment content que tu le laisses jouer à son tour avec la balle. »
  • S’il veut le jouet d’un autre enfant, aidez-le à trouver un autre objet intéressant ou une autre activité qui lui plaira pour lui apprendre à patienter.
  • Apprenez-lui à faire des échanges : « J’ai une belle poupée. Je peux te la prêter si tu veux. Que me donnes-tu en échange? »
  • Nommez ce qui appartient à votre enfant (vêtements, jouets, lit, etc.), ce qui appartient à ses frères et soeurs et ce qui appartient à toute la famille (télévision, savon, etc.). Cela l’aidera à comprendre la notion de propriété.
  • En cas de dispute à propos d’un jouet, aidez votre enfant à trouver une solution au lieu de régler la situation à sa place. Cela lui donnera les habiletés nécessaires pour régler ses disputes par lui-même. Si vous sentez qu’il a besoin d’aide pour y arriver, proposez-lui un choix : « Est-ce que tu veux lui demander un autre jouet en échange ou bien tu préfères lui prêter le tien dans 5 minutes? » Il pourra ainsi choisir l’option qu’il préfère.
  • Proposez-lui une autre activité ou un jeu qu’il peut faire seul s’il y a beaucoup d’enfants et que partager est difficile pour votre tout-petit. »

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Et s’il/elle était réellement possessi.f.ve ?

Tu as aussi ce parent ou ces connaissances qui ne prêtent jamais rien ?
Cela peut aiguiser l’énervement mais force est de constater que la plupart du temps, ces personnes ont des attitudes méticuleuses et conservatrices.
Elles sont capables de tenir des collections, mais aussi de garder en parfait état des choses incroyables comme des figures en chocolat, des jouets anciens, des vêtements, …

Alors, si un enfant démontre des attitudes possessives, cela peut cacher de nombreuses compétences qui sous-tendent ce besoin de préservation.

Tous les conseils précédents sont valides : il est possible de sensibiliser au bonheur de partager et de rendre les autres heureux.
Cependant, il est indispensable de respecter autrui comme il est. Tu n’irais pas railler des ami.e.s… alors ne fustige pas ton enfant. Le fait de reconnaître ses qualités et ses efforts seront bien plus profitables pour sa confiance en lui/elle et ses compétences pro-sociales à long terme.

En outre, le monde a besoin d’une diversité de personnalités, aussi interpellantes soient-elles !

Si c’est difficile pour toi de supporter que ton enfant ait ses attitudes, je peux te proposer d’aller rencontrer un.e professionnel.le de manière à t’aider à vivre au mieux la singularité de ton enfant.

 

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Voici quelques précieuses ressources :

https://jumeauxandco.com/astuces-jumeaux/comment-apprendre-aux-jumeaux-a-partager/

https://naitreetgrandir.com/fr/etape/1_3_ans/comportement/fiche.aspx?doc=ik-naitre-grandir-enfant-savoir-partager

https://naitreetgrandir.com/fr/etape/1_3_ans/comportement/fiche.aspx?doc=enfant-jaloux

https://www.reseauparentageproximal.com/

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