Allaitement·Maternage proximal

Allaiter pour se faire plaisir… Détruire un mythe !

Un point énorme concernant la philosophie de l’allaitement.
Tantôt il doit être agréable, tantôt il est reproché qu’il le soit.
Le sein ne doit surtout pas être donné à contre-coeur, mais il ne doit pas non plus provoquer de plaisir !

Gros héritage de la culture judéo-chrétienne où plaisir et maternité ne pouvaient pas aller de pair (cachez ses accouchements organismes que je ne saurais voir!).
L’allaitement est reconnu comme l’alimentation la plus adaptée des bébés humains, et pourtant…

Pourtant, personne ne questionne le malaise des femmes vis-à-vis de leur poitrine. Personne ne questionne la peur de la dépendance que cela soulève. Personne n’évoque réellement l’impact (ou non) d’un allaitement sur le couple, le rôle du père et le métabolisme de la femme allaitante.

Toutes ces questions sont laissées à couvert. Sous prétexte de « choix » (j’en parle dans cet article concernant le choix éclairé d’allaiter ou non), aucune information n’est donnée. Un peu comme le rappelle la banalisation du recours à l’anesthésie péridurale…
Mais, à l’heure actuelle : toutes les questions peuvent être posées !
Osons mettre à mal les croyances autour de l’allaitement et ses propres croyances limitantes.

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Avant tout, je précise : oui, bien sûr que tu as le droit d’aimer allaiter.
Parce qu’allaiter te donne cette proximité intense, ce shoot d’ocytocine qui relaxe et crée l’attachement (et te rend plus cool avec les attitudes infantiles, autant le savoir!).
Parce que c’est pratique, idéal pour le bébé et plein de bienfaits.

MAIS …

Parfois, ça ne se passe pas comme prévu.
Parfois, la mise au sein n’est pas accompagnée et cela créée des douleurs (une gêne en début de tétée en fréquente les premiers jours). Cette mauvaise position peut créer des crevasses…
La douleur de celles-ci peuvent être insoutenables d’où l’intérêt de se renseigner et de s’entourer par des pro formés : blocages ostéo ? Mauvaise mise au sein ? Freins restrictifs ? Etc.

Alors ces femmes, qui ont poursuivi leur allaitement malgré une période de douleurs, l’ont-elles fait « pour elles » ?
Oui. Elles l’ont fait pour être alignées avec leur valeur et donner ce dont a besoin leurs bébés. Pour autant, ce n’était pas un plaisir voire même une vraie torture jusqu’à ce que la solution soit trouvée.

Mais ce n’est pas tout.
En dehors des causes physiques, il y a d’autres mécanismes qui engendrent que l’allaitement n’est pas une partie de plaisir chez certaines femmes !

C’est peu connu et cela plonge celles qui le vivent dans un grand désarroi.
Le fait d’allaiter peut créer des malaises, des sensations d’oppression, des nausées, une profonde tristesse et/ou une réelle aversion !

Plusieurs phénomènes sont responsables de cela.

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Le Réflexe d’Ejection Dysphorique :

Pour commencer, je vais aborder le Réflexe d’Ejection Dysphorique.

Il s’agit d’un phénomène qui se produit juste avant le réflexe d’éjection du lait (donc lors des premières succions du bébé lors d’une tétée).
Il ne s’agit donc pas d’une aversion à l’allaitement mais bien d’une réaction physiologique à l’éjection du lait.

Cette différence est notable afin de ne pas faire croire aux femmes que cette réaction veut dire que l’allaitement n’est pas pour elles.

Comment se caractérise le RED ?

Les sensations souvent rapportées sont un sentiment d’angoisse et de dépression, de partir et des nausées. Il peut également y avoir des pensées suicidaires, de la panique, une agitation, un sentiment d’être attaquée, ressentir de l’agressivité et des sensations d’emprise.
Selon les informations données par La Leche League https://www.lllfrance.org/1702-le-reflexe-dejection-dysphorique : « Certaines femmes ressentent la même dysphorie dans un contexte sexuel : lors d’une enquête auprès de femmes ayant fait état d’un RED, 11 % disaient avoir le même type de vécu émotionnel en cas de stimulation des mamelons dans un cadre sexuel. »

Habituellement, les sensations s’estompent après 30s à 2 minutes… Mais elles peuvent revenir si plusieurs réflexes d’éjection surviennent lors d’une même tétée.

Mais POURQUOI ?

Il semble que ce soit une réaction aux phénomènes hormonaux qui se produisent pendant une tétée.

Pour citer à nouveau la LLL : « Les données actuelles permettent de penser qu’il s’agit d’une réaction hormonale.
Pour certains, ce serait en rapport avec la sécrétion de dopamine. Au moment du réflexe d’éjection, il y a une augmentation rapide du taux d’ocytocine, et le taux de dopamine chute. La dopamine inhibe la prolactine, et la baisse de son taux favorise l’augmentation du taux de prolactine. La plupart du temps, cela ne pose aucun problème, mais chez certaines mères, il semble que la chute du taux de dopamine soit anormale, et que cela induise de façon réflexe les réactions émotionnelles négatives.
Pour d’autres, chez les femmes qui présentent un RED, les voies de l’ocytocine seraient mal « câblées », et la sécrétion d’ocytocine concomitante au réflexe d’éjection déclencherait, comme dans le syndrome de stress post-traumatique, une réponse combat-fuite, au lieu de la réponse positive qui se produit normalement. Il faudrait donc aider le système hormonal de la mère à réassocier le réflexe d’éjection à des sensations positives et le dissocier de la réponse au stress. Voir Kerstin Uvnas-Moberg et Kathleen Kendall-Tackett, The Mystery of D-MER. What Can Hormonal Research Tell Us About Dysphoric Milk-Ejection Reflex ? »

Il semble important que les femmes qui vivent ce type de phénomène puissent savoir de quoi il s’agit et qu’elles ne sont pas « folles » de ressentir cela.
Il apparaît indispensable de les déculpabiliser sur les effets qu’aurait alors un « allaitement à contre-coeur » sur leur bébé.
Certaines femmes qui tiennent réellement à leur allaitement sont prêtes à aller au-delà des inconforts sévères et cela se cause aucun tort aux bébés !

Les femmes qui vivent un RED ne peuvent pas contrôler leurs pensées pendant les épisodes ni modérer les sensations.
Il est intéressant pour elles de se pencher sur leur hygiène de vie en tentant d’intervenir sur la suffisance du sommeil (difficile lors des premiers mois), sur l’équilibre alimentaire et le soutien reçu de l’entourage.

Des prises en charge médicales peuvent être envisagées (disponibles dans l’article de la LLL) mais il est nécessaire de se rappeler que les médicaments utilisées en santé mentale (anti-dépresseurs, notamment) ne sont pas efficaces ni souhaitables à prendre sans suivi psychothérapeutique !

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L’allaitement Aversion Agitation

Ce second phénomène est encore moins connu que le RED.

Ce que ça n’est pas :

– une aversion pour l’allaitement dans l’absolu :

– une aversion à cause d’abus antérieurs ;

– un rejet social de la pratique d’allaitement ;

– une volonté délibérée de donner des PCN.

Ce que c’est …

Les symptômes (source : https://www.breastfeedingaversion.com/what-is-it-french )
– Se sentir envahie (trop de contact physique) ;
· Ressentir de l’inconfort, de la douleur, des démangeaisons envahissantes pendant la
tétée ;
· Ressentir de la colère, de la rage quand bébé est au sein ;
· Se sentir désespérée et vouloir partir ;
· Vouloir sevrer, mais ne pas vouloir sevrer ;
· Ressentir de la honte, de la culpabilité à propos des sentiments décrits plus haut.

L’aversion peut avoir lieu une fois, ou à chaque tétée.
Elle peut apparaître dès les premiers jours ou survenir du jour au lendemain, quel que soit l’âge du bébé, bambin ou enfant.
Cette réaction étonne souvent celles qui vivaient jusqu’alors un allaitement globalement épanoui.
Il peut y avoir des situations où elles apparaît particulièrement : en cas de fatigue intense, la grossesse, le co-allaitement, la déshydratation, en comorbidité de la dépression post-partum, le manque de vitamines et minéraux, si la fréquence des tétées augmentent soudainement (douleurs dentaires/maladie), pendant l’ovulation, au retour des règles, …
Bref, des situations qui bousculent le corps et l’esprit.

Les femmes qui vivent de l’aversion et de l’agitation pendant l’allaitement se sentent souvent coupables de ressentir de telles émotions négatives vis-à-vis de leur enfant en train de téter mais aussi de vouloir interrompre la tétée absolument.

Comme les professionnel.le.s de santé ne sont pas formés, ce phénomène n’est pas mis en mots et la seule option proposée aux femmes est d’introduire des PCN (les laits infantiles).
Pourtant, comme pour le RED, les femmes qui vivent un AAA souhaitent souvent pouvoir être soutenues afin de poursuivre leur allaitement.

Peut-on réduire les émotions négatives lors de l’AAA ?

D’abord, il est indispensable de laisser aux femmes l’espace pour exprimer ce qu’elles ressentent et de valider le fait qu’elles ne sont pas seules à vivre ce phénomène.

Ensuite, il est intéressant de se pencher sur les différentes situations soulevées plus haut.
Par exemple, savoir que l’aversion a lieu à certains moments du cycle menstruel, ou en cas de grande fatigue, peut permettre de mieux supporter ces épisodes-là.

Il est donc aussi nécessaire de se reposer autant que possible afin de ne pas créer de dette de sommeil qui peut renforcer les aversions.

Un autre élément est la qualité de l’alimentation et l’apport suffisant en vitamine D et B12. Il semble que cela aide à réduire l’intensité de l’aversion.

La prise du sein (et donc les gênes occasionnées) peuvent être la source d’une aversion progressive. Il est nécessaire de préciser que la prise du sein concerne tous les âges et que même si elle est correcte par le nourrisson, elle peut se détériorer quand en devenant bambin.

Il faut bien vérifier l’ouverture de la bouche, le retroussement des lèvres et la position de l’enfant lors des tétées (celles plus acrobatiques sont moins plaisantes!).

Selon https://www.breastfeedingaversion.com une autre astuce pour diminuer le sentiment d’aversion est une distraction cognitive. Allaiter en étant entourée et en discussion, tenir un glaçon dans sa main, mettre de la musique, … Tout ce qui permet à votre cerveau de ne pas être totalement disponible pour l’aspect émotionnel durant la tétée.

En citant cet article https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/dossiers-de-l-allaitement/2076-reflexe-d-ejection-dysphorique-3-cas de la LLL« Il existe peu de données sur les sentiments d’aversion à l’allaitement dans la littérature médicale. Ce phénomène diffère du réflexe d’éjection dysphorique (RED – qui est ressenti exclusivement pendant le réflexe d’éjection) par l’absence de mécanisme physiologique clair, mais comme le RED il se signale par des sentiments négatifs intenses pendant les tétées. Ce phénomène semble plutôt en rapport avec des mécanismes psychologiques et/ou émotionnels ».
Conclusion :

Le principale problème des dyphories liées à l’allaitement est qu’elles ont cours tout au long de la journée, au rythme des tétées.
Il peut alors survenir une appréhension vis-à-vis des tétées et une sentiment de mal-être diffus puisque des pensées noires, notamment sur le sentiment d’auto-efficacité en tant que mère.
Pour autant, il ne faut les confondre avec des dépressions post-partum !
Dans certains cas, les femmes ne parviennent pas à poursuivre l’allaitement tellement les émotions négatives et les sensations prennent le pas sur la volonté de donner du lait maternel. Or, dans le RED, le tire-allaitement ne permet pas de réduire les sensations négatives…
Il est alors nécessaire d’accompagner sans jugement les femmes qui vivent ces phénomènes !

Les femmes qui vivent des dysphories inhérentes aux faits de l’allaitement se sentent souvent en décalage avec les autres femmes allaitantes car elles ne partagent pas leurs ressentis d’épanouissement.
Il est réellement indispensable de soutenir l’envie d’allaiter et de les déculpabiliser sur les hypothétiques effets d’un allaitement « à contre-coeur »Il est nécessaire d’encourager les femmes à faire leur propre choix sur la poursuite ou non de l’allaitement tant en cas de RED que pour l’AAA.
Les sentiments de mal-être peuvent être si intenses qu’ils questionnent le désir d’allaiter…

Alors, pour être claire : NON, on n’allaite pas pour son bon plaisir dans toutes les circonstances.
La principale raison d’allaiter est de fournir le meilleur aliment pour son enfant.
Oui, heureusement que les femmes allaitantes apprécient allaiter, c’est d’ailleurs nécessaire à la survie d’une espèce. Il n’y a d’ailleurs rien à voir entre le plaisir d’allaiter et un quelconque autre plaisir charnel.
Seul.e.s les ignorant.e.s prétendent l’inverse : aucun lien incestuel, aucun rapprochement avec un désir malsain, il y a juste la volonté de vivre en fonction de ses valeurs (et de ses moyens) !

Pour l’allaitement, comme les autres sujets de la parentalité, tout n’est pas que plaisir et volupté. Tu as le droit de parler de ce qui est difficile, même si tu aimes être maman/papa !

A bientôt pour de nouvelles curiosités !

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Sources :

– site de référence concernant le RED (appelé D-MER en anglais) : https://d-mer.org/

– site de référence concernant le AAA (BAA en anglais) : https://www.breastfeedingaversion.com/

2 commentaires sur “Allaiter pour se faire plaisir… Détruire un mythe !

  1. une remarque qui me vient: je ne sais pas comment fonctionne WordPress, mais le fait que les articles complets soient joints aux envois emails fait peut-être qu’ils sont lus plus facilement (c’est mon cas en tout cas), mais aussi que tu as moins de retours sur ces derniers…?

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